Contactez-nous  

Publié le 02 septembre 2025 par Constant Joubert

La perception d’une même marque peut varier d’une région à l’autre. La manière dont une marque est perçue ne dépend pas uniquement de sa communication globale, mais aussi de dynamiques locales complexes, souvent invisibles pour les directions marketing centralisées. 

Aujourd’hui, les outils de social listening géolocalisé permettent non seulement de détecter ces disparités, mais aussi de comprendre ce qui les alimente. Et cela change radicalement la façon dont les marques abordent la réputation. 

Une réputation uniforme ? Un mythe persistant 

Les marques ont longtemps cru que leur image pouvait être maîtrisée à l’échelle nationale, voire mondiale. Pourtant, un scan rapide sur des forums locaux ou sur X (Twitter) suffit pour constater les écarts parfois drastiques entre les régions. 

Prenons l’exemple d’une enseigne de grande distribution. En Normandie, des consommateurs saluent la qualité de l’accueil et la fraîcheur des produits. À Grenoble, d’autres dénoncent des rayons fréquemment vides et un service client absent. Pourtant, la marque est la même. 

En cause ? Des facteurs très localisés : 

  • La gestion indépendante ou semi-indépendante des magasins, 
  • La qualité de la main-d’œuvre locale, 
  • Des habitudes de consommation différentes, 
  • Mais aussi la mémoire collective : un incident passé peut laisser des traces durables dans une ville, même si ailleurs la marque a déjà « tourné la page ».

Ce que permet le social listening géolocalisé 

Le social listening, ou l’écoute sociale, consiste à analyser ce que les internautes disent spontanément d’une marque, d’un produit ou d’un service sur les réseaux sociaux, les forums, les sites d’avis, etc. 

Quand cette écoute est géolocalisée, elle offre une cartographie fine de la réputation. On ne se contente plus de savoir que « la marque X a une bonne image », mais elle est appréciée, elle est critiquée, et surtout, pourquoi. 

Twitter X comme thermomètre local 

Sur X Twitter, la géolocalisation n’est pas toujours explicite, mais les hashtags locaux (#Toulouse, #Rennes) ou les profils renseignés permettent d’identifier des tendances régionales. 

Cas concret : 
Une chaîne de restaurants rapide repère une vague de tweets négatifs en région PACA. L’analyse révèle que plusieurs établissements sous-performent au niveau hygiène, ce qui alimente des critiques virales localement. Grâce au social listening, le siège peut intervenir rapidement, sans attendre que la mauvaise réputation contamine d’autres régions. 

Forums locaux : des mines d’or sous-estimées 

Des plateformes comme Doctissimo, Jeuxvideo.com, ou encore les forums immobiliers locaux sont des espaces d’expression libres où les gens parlent sans filtre de leur quotidien, y compris de leur expérience avec des marques. 

Cas concret : 
Même enseigne, ressentis opposés : Decathlon Paris La Madeleine affiche 2,2/5 (17 avis), avec des retours comme « rayons mal indiqués… il manque toujours des articles » et « relation clientèle à améliorer » (2,2/5) Pages Jaunesframaps.com ; à l’inverse, Decathlon Brest/Guipavas est noté 5/5 (7 avis) sur PagesJaunes : « J’achète tous les produits de sport… » (5/5) et ≈4,1/5 sur ≈2 376 avis Google, signe d’une perception locale bien plus positive. Pages Jaunesyably.fr 

Sans écoute territorialisée, ce type de feedback local passe sous le radar. 

Ce que disent les données : des réputations fractales 

Un projet mené par une agence spécialisée dans le social listening a analysé plus de 120 000 mentions d’une marque télécom française sur une période de six mois. 

Résultats : 

  • À Paris, les critiques portaient principalement sur le coût et la transparence des offres. 
  • Dans le Sud-Ouest, la couverture réseau était la plainte majeure. 
  • En Auvergne, c’est le service client qui concentrait les griefs. 

Ce n’est donc pas la même réputation : ce sont plusieurs micro-réputations, juxtaposées et parfois contradictoires.

Pourquoi ces écarts existent-ils ? 

  1. Infrastructure locale : Le produit ou service peut varier objectivement en qualité selon les zones. Un opérateur mobile ne couvre pas de la même façon la Creuse et Lyon. 
  1. Attentes culturelles : Ce qui est jugé acceptable à Strasbourg peut être considéré comme inadmissible à Nice. Exemple : la rapidité de service dans un restaurant. 
  1. Historique relationnel : Une erreur passée, même si corrigée, peut avoir un effet longue traîne sur la perception locale. 
  1. Effet d’amplification communautaire : Un leader d’opinion local ou un groupe Facebook peut polariser les conversations autour d’un événement mineur, qui prend soudain une importance démesurée. 

Vers une stratégie de réputation par territoire 

Face à ces constats, les marques doivent abandonner une approche monolithique de leur réputation. Une stratégie de gestion de la réputation efficace aujourd’hui implique une adaptation territoriale, rendue possible par le social listening. 

1. Cartographier la perception territoriale 

Il ne s’agit pas de faire un sondage par région, mais d’extraire des tendances naturelles du web. Cette cartographie doit répondre à plusieurs questions : 

  • Quelles régions parlent de la marque ? 
  • Dans quels contextes (avis, plaintes, recommandations, détournements) ? 
  • Quels points d’expérience sont évoqués ? 
  • Y a-t-il des différences de ton, de volume ou d’émotion selon les territoires ? 

2. Identifier les points de friction ou de fierté locaux 

Un point fort dans une région peut devenir un levier de communication locale. À l’inverse, un point faible persistant peut nécessiter une opération spécifique. 

Cas d’usage : 
Une entreprise de transport urbain constate que les retards à Nantes sont systématiquement associés à des tweets critiques, alors qu’à Dijon, l’image est plutôt positive grâce à la ponctualité du service. Cela permet de prioriser les actions correctives. 

3. Activer les relais d’influence locaux 

Les ambassadeurs de marque ne sont pas tous nationaux. Un influenceur culinaire à Lille, un youtubeur sport à Clermont-Ferrand, ou un modérateur de forum très suivi à Reims peuvent jouer un rôle clé dans la perception locale. 

Plutôt que de chercher la viralité nationale, certaines marques choisissent des micro-campagnes locales, avec des messages adaptés au terrain, à la culture locale et aux problématiques identifiées par le social listening. 

La tentation du déni : un risque réel en e-réputation 

Certaines directions de la communication rejettent encore l’idée que leur marque soit perçue différemment selon les territoires. Elles préfèrent s’en tenir à des moyennes nationales, rassurantes mais trompeuses. 

C’est une erreur stratégique. En ignorant les signaux faibles locaux, on court le risque de laisser s’enraciner une mauvaise réputation, qui finira par remonter au niveau national ou digital global (par exemple via des bad buzz). 

À l’inverse, reconnaître cette diversité de perception permet d’agir à temps, et surtout, de transformer des critiques locales en opportunités d’amélioration ciblée. 

Et demain ? Vers des dashboards de réputation locaux 

Les entreprises les plus avancées sur le sujet ont commencé à intégrer des dashboards de réputation géolocalisée dans leurs outils internes. Ces interfaces agrègent en temps réel : 

  • Les mentions sociales classées par région 
  • Les indicateurs de sentiment (positif / négatif / neutre) 
  • Les mots-clés dominants par zone géographique 
  • L’évolution dans le temps 

Ce type de dispositif permet de piloter la réputation comme un territoire d’influence à part entière, et non comme un simple score global. 

Une marque n’a pas une seule image, elle en a des dizaines, parfois opposées, souvent nuancées. L’enjeu n’est plus de lisser ces perceptions, mais de les comprendre et de les adresser finement. 

Le social listening géolocalisé devient alors un outil indispensable. Il ne s’agit pas seulement d’écouter ce que l’on dit de vous sur Internet, mais de savoir où, comment et pourquoi on en parle différemment, et d’y répondre avec intelligence. 

Dans un monde où les conversations sont mondiales mais les expériences toujours locales, c’est cette finesse d’analyse qui fera la différence entre une marque absente et une marque pertinente. 

Photo
Consultant digital
  • Expert en e-réputation, modération et AMOA

J’accompagne nos clients sur des enjeux de veille e-réputation, modération / relation client digitale ou encore de refonte de plateformes web. Afin de mettre en avant et de valoriser ces expertises, je rédige des articles sur ces mêmes sujets pour alimenter les différents leviers de communication de l’agence.